Gabon-Politique-Constitution : DU appelle à voter « NON » au référendum  du 16 novembre

Gabon-Politique-Constitution : DU appelle à voter « NON » au référendum  du 16 novembre

AD – Libreville (Gabon) – La puissante centrale syndicale Dynamique unitaire (DU) a, dans une conférence de presse dimanche rejeté le projet de constitution  et a appelé ses membres à voter « NON » lors du référendum prévu le 16 novembre prochain.

Voici l’intégralité du discours de so président par intérim Roger Ondo Abessolo

Mesdames et Messieurs, Chers journalistes,

Chers officiels, Chers invités présents ici et participant de loin,

Bienvenue à tous pour cette conférence de presse qui a lieu dans un contexte sociopolitique et institutionnel exceptionnel depuis le 30 août 2023. Nous saluons les journalistes qui sont parmi nous, mais aussi ceux qui nous ont adressé des questions avant la Conférence et ceux qui nous suivent en direct.

Avant de vous donner la parole, nous précisons que la conférence de presse de ce jour clôt officiellement notre longue observation du processus de rédaction du projet de Constitution enclenché le 08 mai dernier, avec la mise en place du Comité constitutionnel national chargé de proposer une nouvelle constitution.

En effet, depuis la promulgation en date du 21 octobre 2024 d’une série d’actes réglementaires, le peuple est convoqué le 16 novembre prochain à décider, par référendum, de la structure et du fonctionnement des institutions gouvernementales, des principes politiques de l’État et des droits des citoyens. En tant que document pluridimensionnel, la constitution se trouve à l’intersection du système juridique, du système politique et de la société.

Comme instrument juridique, elle unit le pouvoir et la justice, assure le respect de l’Etat de droit et limite l’arbitraire du pouvoir. Elle est dans le même temps une déclaration sociale, du fait de tenter à des degrés divers de refléter la société et de la modeler, par exemple en proclamant l’identité, les valeurs et les idéaux partagés, et en reconnaissant les communautés locales et leurs droits naturels sur leur territoire.

Enfin, la constitution en tant qu’instrument politique établit les institutions de prise de décision du pays, répartit le pouvoir de sorte à assurer l’efficacité du processus de prise de décision » et fournit un cadre aux luttes politiques permanentes. Par-là émerge fondamentalement la séparation des pouvoirs avec l’exécutif qui détermine et conduit la politique de la Nation, le législatif qui contrôle l’action de l’exécutif et le judiciaire qui fait appliquer la loi.

L’inféodation malsaine du judiciaire à l’exécutif depuis Léon Mba, accentuée sous l’ère d’Ali Bongo Ondimba, s’est caractérisée par des violations systémiques des droits de l’homme : nous Dynamique Unitaire, en avons payé le prix fort à l’exemple des détentions successives de plusieurs de nos membres, des kidnapping et tentatives de kidnapping, des coupures de salaires, des interdictions de voyager, de manifester ou de se réunir sur la place publique ou sur les lieux de travail… C’est dire combien l’indépendance de la Justice demeure un de nos principaux combats que nous croyions gagner avec l’avènement du CTRI.

Le référendum du 16 novembre 2024 est un évènement historique qui fixe le devenir de tous, parmi lesquels les travailleurs. C’est à ce titre que nous nous exprimons aujourd’hui conformément aux dispositions de l’article 8, alinéa 3, de nos statuts confédéraux qui suivent : « DU peut après consultation de ses instances, faire savoir son point de vue sur les questions politiques, sociales, culturelles et économiques pouvant influencer la situation ou la vie de ses membres ». Ainsi, le Bureau Confédéral du 30 octobre dernier a convoqué le Conseil Confédéral, instance de délibération habilitée entre deux congrès, qui s’est réuni ce 03 novembre aux fins de se positionner par rapport à ce projet de Constitution.

La présente conférence de presse vous en livre à cet effet les conclusions. Cette démarche citoyenne est héritière de la tradition humaniste qui considère que le syndicalisme a joué depuis sa création un rôle déterminant dans la conquête des garanties sociales qui ont contribué à changer la condition humaine, et de ce fait, il ne saurait être indifférent à la forme de l’Etat. Pour être plus explicite, le syndicalisme ne peut s’épanouir que dans un environnement favorable à la démocratie.

C’est pourquoi dans nos statuts confédéraux, nous affirmons solennellement notre indépendance absolue à l’égard du patronat, des gouvernements, des partis, des groupements ou des rassemblements politiques, des courants philosophiques. Dans ce sillon, notre choix d’accompagner la Transition depuis le 31 août 2023 n’est pas synonyme d’acquiescer comme un adorateur toutes les décisions prises par les autorités actuelles.

Pour nous, la Constitution est semblable au corps humain, avec la complexité harmonieuse de ses systèmes (nerveux, digestif, cardiaque, etc.), de ses 206 os et de ses 639 muscles. Lorsqu’un des organes vitaux (le cœur, le foie, les poumons, le cerveau, le pancréas et les reins) dysfonctionne, c’est la vie humaine qui en pâtit. Les éléments vitaux d’une Constitution résident dans la séparation des contre-pouvoirs.

Ainsi, le constitutionnalisme est le contraire du despotisme. Les despotes sont au-dessus des lois et leur usage du pouvoir n’est pas encadré. Qu’en est-il alors du projet de Constitution soumis au référendum du 16 novembre 2024 ?

Mesdames et Messieurs, Chers journalistes,

Chers officiels, Chers invités présents ici et participant de loin,

Après examen du projet de Constitution, il n’y a pas consécration de la séparation des pouvoirs, mais plutôt consécration du despotisme à travers un super-Président de la République qui fait main basse sur les pouvoirs législatif et judiciaire. En effet par l’article 62, le Président de la République peut prononcer la dissolution de l’Assemblée Nationale, mais l’inverse n’est pas prévu.

En cumulant les prérogatives de chef de gouvernement, le Président de la République n’engage aucunement sa responsabilité et celle de son gouvernement devant le parlement, du fait qu’à l’article 81, seuls le Vice-Président du Gouvernement et les autres membres du Gouvernement répondent aux interpellations devant la Chambre du Parlement concernée. En la circonstance, la Chambre concernée peut prendre une résolution pour faire des recommandations au Président de la République. ».

De facto, le Président de la République est érigé en despote par un régime présidentiel non identifié qui oblitère toute motion de censure et toute cohabitation politique au niveau de l’exécutif en cas de victoire de l’opposition aux élections législatives. Les missions de contrôle du parlement disparaissent, se résumant au seul vote des lois. Cette dimension réductrice du pouvoir législatif est analogue en ce qui concerne le pouvoir judiciaire qui demeure sous la coupe réglée du Président de la République par le Conseil supérieur de la Magistrature qu’il préside.

Ainsi, les atteintes multiformes aux droits de l’homme qui ont marqué le règne d’Ali Bongo Ondimba ne sont donc pas à exclure. La Cour constitutionnelle, qualifiée de Tour de Pise par les observateurs éclairés depuis 1991, la demeure car sur ses neuf (9) membres, trois (3) sont directement nommés par le Président de la République et deux (2) indirectement par le même Président via le Conseil Supérieur de la Magistrature qu’il préside.

En filigrane le constitutionnalisme démocratique moderne est floué, laissant planer le règne de l’impunité qui risque de s’accroître lorsque nous interrogeons l’article 170. En effet, une loi d’amnistie est prévue pour les acteurs des évènements allant du 29 août 2023 à l’investiture du Président de la Transition. De quels évènements s’agit-il ? Et qui en sont les acteurs ? Personne ne sait.

De cette opacité et compte tenu du recyclage de plusieurs hautes personnalités du régime déchu dans l’appareil décisionnel de la Transition, il y a risque de confection d’une liste interminable d’amnistiés qui pourraient se soustraire à des poursuites judiciaires pour crimes humains, financiers et économiques perpétrés sous l’ère d’Ali Bongo Ondimba.

Si nous pouvons nous satisfaire du retrait de l’article 42 de la mouture soumise à la Constitution qui consacrait les ressources naturelles du sol et du sous-sol comme propriété exclusive de l’Etat, il aurait été judicieux de le modifier en consacrant l’exclusivité de ces ressources aux communautés locales, conformément au préambule du projet de Constitution dans lequel le peuple réaffirme sa pleine souveraineté sur l’ensemble des ressources naturelles de son sol et de son sous-sol.

Cela aurait constitué un progrès social considérable en précisant que seul l’Etat en fixe les modalités de concession, de recherche et d’exploitation après consentement de ces communautés. Cette forme aurait permis de préserver réellement et de valoriser le patrimoine culturel immatériel des communautés locales, d’améliorer les conditions de vie de celles-ci et de mettre fin aux abus des compagnies étrangères à l’instar de COMILOG à Moanda, de COMUF à Mounana, de la COMIBEL à Belinga. En l’état, le projet de Constitution laisse une brèche à la poursuite du pillage des ressources naturelles du pays à coup de contrats obscurs et de corruption de la classe dirigeante.

Mesdames et Messieurs, Chers journalistes,

Chers officiels, Chers invités présents ici et participant de loin,

Des avancées dans ce projet de Constitution, notamment la reconnaissance de la société civile, la limitation du nombre de mandat présidentiel et la réaffirmation du mariage comme étant l’union entre un homme et une femme, sont à reconnaître.

Cependant le Conseil Confédéral, réuni ce jour du 03 novembre :

– Considérant que la gouvernance politique est la colonne vertébrale d’une Constitution ;

– Considérant que la gouvernance politique est le régulateur de la gouvernance économique et sociale ;

– Constatant la dérive de la gouvernance politique dans le projet de Constitution soumis au référendum du 16 novembre prochain ;

– Réaffirmant notre soutien à la Transition et au CTRI ;

Décide, du rejet de ce projet de Constitution.

En conséquence, Dynamique Unitaire appelle les citoyens inscrits sur les listes électorales à barrer la route à ce projet de Constitution en votant massivement NON. Ce vote pour le NON offre une alternative à la Transition pour reprendre les choses dans le bon ordre et rompre avec les chaines du passé qui avilissent la dignité de l’Etat et du vivre-ensemble.

Pour cela, nous invitons tous les partisans du NON objectif de la société civile plurielle à nous retrouver dans les meilleurs délais.

Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Pour DU,

Le Président Par Intérim

Roger ONDO ABESSOLO

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